Reconstruction de l’église de Plancherine au XIX (1839 à 1846)
Avant propos
En 2007, comme à de nombreuses reprises au cours de son histoire, l'église de Plancherine a subi d'importants travaux. Un autre grand moment aura été sa « reconstruction » dans les années 1840 qui justifie la date gravée dans la pierre au-dessus de la porte principale.
Les faits rapportés proviennent du registre des délibérations municipales de la période 1838-1847 conservées en mairie, et par l’étude des dossiers, liés à cette construction, conservés, eux, aux archives départementales.
Avant d’entrer dans le vif du sujet quelques mises au point s’imposent. Les épisodes du feuilleton que vous allez lire ne parlent pas de l’église qui existe au début de cette histoire, c’est à dire en 1838, sur le même emplacement. En effet nous n’avons les traces que d’une reconstruction, majeure certes, mais qui implique que la position de l’église et son plan au sol n’ont pas bougé. Pour étayer cette hypothèse nous avons l’expression employée durant ces travaux : « rehaussement » ainsi que le fait que le cimetière, qui se trouve, autour ne fait l’objet d’aucun déplacement de tombes. Il n’y a non plus, aucune allusion à l’achat de terrains nouveaux, ni de rectification de parcelles.
Les prémisses
La première trace trouvée dans les délibérations du conseil de la commune date du 24 janvier 1838. Ce jour là, le conseil doit se prononcer sur le rapport remis par le géomètre Vaudey, commis par l’intendant : il décrit le mauvais état de l’église, et surtout de sa taille. Critique à laquelle le conseil répond en disant « que si l’église est petite c’est parce que la commune n’est pas grande et qu’au reste elle est suffisante pour contenir la population ». Il n’y a pas d’adhésion immédiate à l'idée de reconstruire l’église. Mais l’année suivante le 9 juillet, une somme de 500 Livres est inscrite au budget pour la réparation ou la reconstruction de l’église. C’est la première contribution annuelle que la commune veut consacrer à l’église. Cette ligne budgétaire sera répétée durant les exercices suivants pendant toute la période des travaux.
Le 14 juillet, le Recteur de la commune (Jean-Claude Suarez, fils du chirurgien de St Sigismond) fait reconnaître par le conseil la nécessité de travaux à l’église : comme le rehaussement du chœur et de la nef. Joseph Roche géomètre de Moutiers est choisi pour établir la liste et le devis des travaux nécessaires, y compris pour son embellissement. Dès lors on sait qu’il ne s’agit pas d’une véritable reconstruction mais plus probablement d’un rehaussement pour donner plus de prestige à l’édifice.
Dans sa visite de la commune, du 10 septembre, l’intendant de Haute Savoie déclare que l’église est « trop petite et menace ruine » mais le conseil a déjà pris les mesures pour sa reconstruction, le cimetière « autour de l’église est assez grand à raison de la population » et le presbytère est « propre et bien construit » avec un beau jardin et une fontaine. La maison communale, en face de l’église n’est « qu’une chambre de médiocre état » qui sert d’école l’hiver.
Le géomètre Roche fait savoir au conseil le 4 avril 1840, que l’église doit être entièrement reconstruite sauf son clocher, que l’on devra surélever et dont on devra refaire le toit. L’estimation des travaux se monte à 12 470 Livres. Le financement se fera par la vente d’une coupe de bois pour un montant de 9 070 Livres, par deux fois 500 Livres prévus au budget de 1840 et 1841, et enfin par des fournitures faites directement par la commune pour un montant de 1 695 Livres. Avec une adjudication durant l’été, des travaux débutant au printemps, l’église pourrait être achevée avant la fin 1841.
Le financement
Une requête envoyée à l’intendant le 15 juin 1840, signée de 35 habitants de la commune dont Joseph Sibuet ancien syndic, met en doute la capacité de la commune à fournir les pièces de bois nécessaires. L’usage voulait que l’on garde une quantité de bois en réserve pour faire face à la reconstruction du village suite à un éventuel incendie. L’évaluation de la forêt a montré qu’elle ne pourrait fournir les pièces promises par le conseil « qu’en épuisant toutes les plantes en sapin existant dans les forêts communales ». Il faut donc repousser les travaux jusqu’à 1843, afin de constituer les fonds nécessaires en y affectant 500 Livres par an. Les fournitures restant à la charge de la commune ne s’élèvent plus, alors, qu’à 260 Livres. Elles consistent en transports : 30 m de sable de rivière et 44 000 ardoises de Cevins.
Le 6 octobre, le recteur Suarez instigateur de cette reconstruction, se propose de prêter à la commune, sans intérêt, la somme de 2 000 Livres. L’intendant autorise donc la commune à accepter ce prêt et en fixe les conditions en date du 8 octobre. Il impose une dépense extraordinaire de 500 Livres sur les 4 prochains exercices pour rembourser le prêt, ainsi que le versement, au percepteur, de la somme prêtée après l’adjudication.
L’adjudication a lieu le 11 février 1841 et l’entrepreneur Jean Pédrino, l’emporte pour un montant de 10 100 Livres.
Les aléas de la reconstruction
Le 20 mai 1841, le conseil demande à M. l’Intendant de faire expertiser le clocher par M. l’Ingénieur de la province. Le clocher est à reconstruire en totalité ce qui provoque un supplément de dépense de 1 397 Livres. La commune dispose de 12 700 Livres pour ces travaux et la dépense n’atteint que 11 497 Livres supplément inclus. Le conseil décide d’utiliser le reliquat pour rebâtir la porte de l’église en pierre de taille.
Des pétitionnaires demandent le "plafonnement" du toit de l’église en façade comme cela est déjà réalisé sur le reste du pourtour. Cette demande est présentée comme une protection contre les incendies. La délibération du 3 juin 1842, qui relate cette demande, précise que la maison communale est en face de l’église, à coté de la maison de Joseph Ract. (voir cadastre)
Par sa délibération du 19 juin 1842, le conseil refuse de faire les embellissements demandés faute de moyens. Par contre, il demande l’autorisation d’exécuter un toit au-dessus de l’escalier qui monte au clocher.
Le 30 mars 1842 le curé Suarez écrit à l’intendant pour lui demander de faire procéder à la réception des travaux et il se plaint d’être à l’étroit dans une petite chapelle de « 5 à 6 pieds de quadrature ». Cela peut correspondre à la chapelle en dessous du presbytère.
Le 4 mars 1843, le procès verbal de fin des travaux à l’église est signé par l’ingénieur de la province, aucune restriction n’est soulevée. Le montant total des travaux à ce moment est de 12 066,80 Livres.
Embellissements et malfaçons
Dès le début de cette histoire on parle d’embellissements, or rien n’a été prévu en ce sens dans les devis. Le 1 juillet 1843 le curé Suarez a de nouveau écrit à l’intendant pour lui demander d’autoriser la construction de 2 petits autels et la décoration du maître autel.
Le 28 février 1844, est soumis à la commune un état des dépenses du sculpteur Schira pour la réalisation de 3 autels à la demande du recteur Suarez. Une lettre de l’archevêque de Chambéry à l’intendant de haute Savoie, datée du 6 février, tentait de montrer que la commune avait les finances pour payer ces travaux, travaux qui avaient été exécutés « avec économie et de bonne foi ». L’intendant général de Chambéry, dans une lettre du 23 février communique l’état des dépenses, la lettre de l’archevêque et invite le conseil à délibérer.
Ces pressions, la notoriété du curé Suarez et les sommes qu’il avait investies pour sa paroisse, dont les 2 000 Livres pour hâter la reconstruction de l’église, étaient plus que suffisantes pour faire accepter les embellissements exécutés sans autorisation, qui se montaient à 1 700 Livres.
Bien que l’intendant et le conseil de la commune récriminent devant ce fait accompli, la commune va payer les travaux qu’elle n’a ni demandés ni même approuvés.
Le 10 avril 1844, suite aux malfaçons apparues, le conseil demande, à l’Intendant, une nouvelle visite de l’architecte Mattolaz. Les fissures de la voûte et des murs de l’église signalées dans le précédent rapport de l’architecte, en date du 6 septembre 1843, se sont agrandies, et de nouvelles sont apparues.
Dans une lettre de l’intendant il est dit que « le mur sud-ouest a été presque déplacé par la poussée de la voûte ».
Le 5 mars 1845, une entente est trouvée avec l’entrepreneur qui devra refaire la voûte à la fois à cause des malfaçons mais aussi pour qu’elle soit conforme au devis. Il sera quand même indemnisé de 200 Livres pour ses travaux de réparation.
Dans la délibération du 22 août 1846, nous apprenons que, 7 ans après la première visite de l’église, les deux procès verbaux de réception sont acceptés par le conseil. Le montant total des travaux se sera élevé à 12 266,80 Livres.
Jusqu’à nos jours, l’église fera encore l’objet de bien d’autres travaux, dont la translation du cimetière.
Choeur de l'église de Plancherine